Je ne sais pas exactement où est ce "diable vauvert" dont j'ai déjà entendu parler plein de fois, mais c'est sûrement l'endroit où s'était enterré PES à partir de 2010. Un lieu tellement lointain, tellement inaccessible, qu'il est quasiment impossible d'en revenir. La légende raconte que FIFA, l'éternel concurrent, a déjà réussi à s'en échapper et à faire son come-back dans le monde des vivants. Plusieurs longues années après, suite à de laborieuses remises en question et un travail d'arrache-pied, la série de Konami réédite enfin cet exploit: oui, Pro Evolution Soccer est finalement revenu du diable vauvert.
On est en 2015 et j'ai pris du plaisir à jouer à PES. Cette phrase tellement fofolle, je ne m'attendais pas franchement à la prononcer il y a quelques années. Les cuvées 2011, 2012 et 2013 ont été autant de tentatives tarabiscotées et bancales de revenir dans le game, sans jamais y parvenir. Et pourtant à chaque fois, Konami progressait légèrement, captait un peu plus ce qui faisait le succès de FIFA tout en conservant son identité. Jusqu'à ces éditions 2015 et 2016, clairement apparentées (PES 2014 étant le chaînon manquant), et enfin assez abouties pour remonter sur le ring tel un Stallone rafraîchi par le bistouri.
SYMPA, A DEFAUT D'ETRE JOLI
Et puisqu'on en est à parler fond de teint et botox, évoquons d'abord l'aspect visuel de ce PES 2016, toujours imparfait, mais à nouveau en progrès par rapport à son prédécesseur. Il y a encore une poignée de choses qui donnent un côté 1998 au jeu: la police utilisée un peu partout, certains menus old-school (dont le menu d'organisation de l'équipe, qui est un peu obscur et mal fichu). Mais la page d'accueil tient la route, tout comme l'interface refondue de la Ligue des Masters. Il y a encore un peu de boulot sur l'ergonomie générale, mais globalement on s'y retrouve. Sur le terrain, le FOX Engine a arrêté de balbutier: plus de ralentissements, fucking alléluïa! C'est fluide comme tout jeu de foot devrait l'être sur PS4. Encore peut-être un petit cran en-dessous de FIFA à cause du côté pâte à modeler du FOX Engine et d'un aliasing un peu visible, PES 2016 cartonne néanmoins sur la réalisation des visages. Il offre également un terrain qui évolue agréablement au fil du match, sans forcément tourner au champ de patates ultra-visuel de FIFA; et les stades, finalement peu nombreux et toujours parents pauvres des jeux de foot, donnent toujours une impression de foule plus convaincante que chez la concurrence.
LE PLAISIR DE MANIER LE CUIR
Cependant, c'est clairement du côté des animations qu'on trouve le progrès majeur de ce nouveau PES 2016, le véritable moteur du titre. Inertie finement réglée sans être trop contraignante ni trop laxiste, mouvements enfin en accords avec la vitesse, la position, les appuis du joueur: ce nouvel opus est agréable à prendre à main, les joueurs sont agréables à manipuler et ça n'avait pas été le cas depuis très longtemps dans la série. En parallèle, on nous offre enfin une gestion des collisions digne de ce nom, sur chaque contact, et non pas répartie au pifomètre sur l'ensemble du jeu. Les milieux défensifs imposent leur physique dans les duels en mettant le pied devant, les attaquants pivots mettent culs et bras en arrière pour protéger le ballon façon Shaquille O'Neal, même en pleine course, histoire de soigner la finition et de ne pas se laisser gêner par le retour d'un défenseur. Même chose pour les duels aériens, que j'avais déjà appréciés l'an passé, mais qui vous laissent maintenant manœuvrer plus largement pour vous placer à la tombée du ballon. Avec cette évolution, Konami a corrigé l'un des plus gros défauts dont pâtissait sa série ces dernières années.
POSER LE JEU
Pour autant, la simulation japonaise n'a pas lâché ce qui faisait sa qualité, à savoir le plaisir ressenti à la construction des actions, la précision des transmissions, le réalisme des trajectoires des passes au sol. PES 2016 fait même mieux que son prédécesseur en corrigeant notamment cette impression de flottement sur les transversales et autres balles aériennes, et en imprimant au ballon une trajectoire digne de ce nom même à plusieurs mètres du sol. Comme d'habitude, un jeu de foot s'apprécie à l'aune de sa façon de jouer. Personnellement, mon jeu de passes courtes et de redoublement avec Arsenal ne fait que mettre en valeur ce qui a été voulu par les développeurs. Les combinaisons sont même d'autant plus vives et incisives qu'elles bénéficient des appels de joueurs autres que les attaquants de pointe. Je vais prendre mon exemple personnel encore une fois: j'ai choisi de laisser mon côté droit volontairement découvert pour permettre à Mesut Özil, bien meilleur meneur de jeu axial, d'aller s'exprimer dans sa zone de préférence et ainsi profiter des appels incessants du supersonique Hector Bellerin, latéral droit de son état. Et ceci est valable pour tout les postes, dans la mesure de ce que vous choisirez de régler dans les paramètres. Hauteur du bloc, ligne de hors-jeu, comportement avec et sans ballon, choix du pressing: l'interface tactique a beau être brouillonne et moche, vous avez le choix de votre démarche. Et PES 2016 de vous laisser entrevoir la marge de progression énorme qui vous attend face à la maîtrise d'un système de jeu vraiment différent de la concurrence, nettement plus élitiste.
Il arrive régulièrement qu'on doive tourner plus d'une minute dans sa moitié de terrain pour finalement ouvrir une brèche. Un plaisir.
Le système de défense est la preuve la plus évidente de cet état de fait. Que ce soit face à un joueur humain ou face à l'intelligence artificielle, il a vraiment fallu s'adapter, penser différemment d'un joueur EA pour tirer quelque chose de ses phases de non-possession. Il est d'ailleurs à souligner que l'IA de PES 2016 est vraiment de très bonne facture. Même si on pestera parfois contre une petite poignée de joueurs cheatés (comme dans tous les jeux d'ailleurs), elle s'évertue davantage à profiter des espaces que vous laissez plutôt qu'à conserver le ballon inutilement comme ça peut être le cas dans FIFA, jusqu'à la nausée d'ailleurs. Le pressing, qu'on pourrait qualifier de gegenpressing tellement il est intense, se fait terriblement sentir et il arrive régulièrement qu'on doive tourner plus d'une minute dans sa moitié de terrain pour finalement ouvrir une brèche. Un plaisir. Face à cela, PES 2016 vous laisse entièrement responsable du placement de vos défenseurs, sans assistance. Et bien souvent, monter à l'abordage avec un de vos joueurs donne juste le loisir à l'adversaire de vous effacer. Il vous faudra placer vos pions, couper les lignes de passe, isoler le porteur du ballon,éventuellementajuster un marquage individuel sur les éléments-clés, pour au final charger quand il n'a plus de solution.
LA LOURDE
Cependant, il reste quel
ques petits points de gameplay qui ne font pas vraiment briller le jeu. Rien de dramatique, mais peut-être ce qui fera la différence avec le top du top en matière de simulation. C'est le cas des gardiens qui, s'ils remplissent largement leur office dans la plupart des cas, ont toujours quelques petits soucis dans leurs sorties et sortent parfois des parades un peu chelou alors qu'ils auraient tout simplement pu s'emparer du cuir. D'autre part,il ne fait pas compter sur eux pour sauver une frappe de près ou une situation de 1 contre 1. Le fait est qu'ils courent au devant de l'attaquant sans s'arrêter pour boucher un angle: ils sont donc quasiment inutiles dans ces cas-là, et les parades salvatrices sont aussi rares qu'une passe vers l'avant de Jérémy Toulalan. Heureusement pour eux, les trajectoires des frappes sont bien souvent d'une limpidité surréaliste. Coup de pied, puissante, à un petit mètre de hauteur: voilà la frappe typique de PES 2016. Et hormis les frappes enroulées, difficile de tenter autre chose... Même les joueurs avec une force de frappe moyenne se retrouvent à envoyer des pruneaux à mi-distance. Dommage quand on sait que PES était précurseur en termes de variétés de frappes.
MANQUE DE PRISE DE RISQUE ?
Côté contenu, le bilan est déjà plus mitigé. Les commentaires français font toujours peine à entendre, même si l'ambiance sonore s'est améliorée (on vous conseille de passer en anglais ou simplement de laisser l'atmosphère du stade). Les modes de jeu ne se sont pas renouvelés depuis quelques années déjà et la refonte de la Ligue des Masters n'est pas si folle que l'éditeur ne le laissait entendre, malgré une tentative de modernisation notable. Le choix des équipes est toujours estropié par la toute puissance marketing de FIFA, et on ne peut que déplorer l'absence d'un championnat en ascension comme la Bundesliga, ou le fait que de nombreuses sélections affichent des faux noms pour leurs joueurs. Konami tente malgré tout de compenser en alignant les équipes sud-américaines par exemple, ou certains clubs d'Europe de l'Est jouant l'Europa League. Mais on doit avouer qu'on aurait préférer pouvoir jouer Dortmund... Cependant, la petite (grosse?) éclaircie nous vient de l'éditeur du jeu, qui fonctionnera désormais comme sur PC: en téléchargeant un simple fichier image, vous pourrez ajouter les vrais logos et les vrais maillots des équipes du jeu. D'ici quelques semaines, vous devriez pouvoir patcher tranquillement votre jeu avec une simple clé USB donc. Toujours bon à prendre. Enfin, on aimerait pouvoir vous parler de l'évolution du myClub ainsi que des modes en ligne, mais les serveurs n'étaient malheureusement pas en état de fonctionnement au moment de notre test...